Phébus (5 avril 2000)
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Martine Roffinella |
Martine
Roffinella est née le 21/08/1961. À vingt-six ans, elle publie son
premier roman, "Elle", repéré et lancé par Bernard Pivot dans son
émission littéraire "Apostrophes".
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Couverture d'une édition du roman "Elle" de Martine Roffinella |
Elle est actuellement
considérée comme l’une des grandes représentantes de l’érotisme
saphique dans la littérature française.
Dans "Le Fouet", publié une douzaine d'années plus tard, la narratrice, victime d'abus et d'humiliations, décide de
reprendre le contrôle de sa vie et de se venger. Elle s'achète un
fouet et devient une dominatrice à la recherche de dames fortunées
et d'hommes lubriques afin de les soumettre à ses fantasmes. En tant
que dominatrice, elle déshumanise complètement ses victimes en leur
plaquant un numéro qui leur sert d'identité.
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La couverture d'une des éditions du roman |
À sept
ans, la narratrice est fessée cul nu devant ses camarades par une
institutrice perverse qui en jouissait publiquement (souvenir réel ?). En fait, cette
fessée déculottée devant toute la classe, plus ou moins recherchée
par la narratrice qui a bravé son enseignante, est plutôt bien
vécue par l'élève, avec même une certaine satisfaction, la
sensation d'être maîtresse du jeu et de la jouissance de la
fesseuse... jusqu'au moment où discrètement l'institutrice la
traite de pute.
Et là toute la tension sensuelle et presque érotique du moment s'écroule et devient une tragédie à l'échelle de l'enfance. Je vous laisse lire le livre et découvrir cette fessée scolaire, car je préfère que ce blog ne mette pas l’accent sur ce genre de fessée plus que nécessaire pour les explications ou la description d’une dynamique. Pourtant, ne le nions pas, j'aurais beaucoup aimé être petite souris pour assister à une telle fessée, d'autant qu'il indique clairement aussi -autre originalité des écrits de Martine Roffinella- que le plaisir d'être fessée déculottée devant tout le monde, y compris par une personne hostile qu'on défie, peut se ressentir très précocement.
La fin de cette fessée, vécue comme une défaite, avec un renversement de domination, puis l'exposition de cette défaite devant toute la classe, ne sera jamais pardonnée par la narratrice.
Quelques années plus tard, et c’est là le sujet de l’extrait, elle finit par retrouver son institutrice, devenue une vieille dame, pour une fessée pour le moins originale en guise de revanche, mais aussi de réponse volontairement humiliante à l'insulte reçue qui a jadis tout fait basculer. On assiste là à une mise en scène très particulière qui fait tout le sel de la scène.
Et là toute la tension sensuelle et presque érotique du moment s'écroule et devient une tragédie à l'échelle de l'enfance. Je vous laisse lire le livre et découvrir cette fessée scolaire, car je préfère que ce blog ne mette pas l’accent sur ce genre de fessée plus que nécessaire pour les explications ou la description d’une dynamique. Pourtant, ne le nions pas, j'aurais beaucoup aimé être petite souris pour assister à une telle fessée, d'autant qu'il indique clairement aussi -autre originalité des écrits de Martine Roffinella- que le plaisir d'être fessée déculottée devant tout le monde, y compris par une personne hostile qu'on défie, peut se ressentir très précocement.
La fin de cette fessée, vécue comme une défaite, avec un renversement de domination, puis l'exposition de cette défaite devant toute la classe, ne sera jamais pardonnée par la narratrice.
Quelques années plus tard, et c’est là le sujet de l’extrait, elle finit par retrouver son institutrice, devenue une vieille dame, pour une fessée pour le moins originale en guise de revanche, mais aussi de réponse volontairement humiliante à l'insulte reçue qui a jadis tout fait basculer. On assiste là à une mise en scène très particulière qui fait tout le sel de la scène.
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Martine Roffinella |
Cette originalité dans un
monde de la fessée où on fesse plutôt des individus jeunes, le
plus souvent soumis à des personnes pourvues d'autorité, plus
rarement par jeu, méritait qu'on s'y attarde car ce renversement des
rôles, des dominances et des images préconçues (renversement
double en plus, si on a en mémoire la fessée scolaire) ne se
produit pas souvent dans la littérature, où on imagine plutôt
l'ancienne élève devenue grande venir se faire à nouveau châtier
par son ancienne autorité.
De plus, cet épisode se produit au travers d'un regard empli de dérision cruelle sur le vieillissement, le personnage de l'institutrice, devenue une simple « fille n°3 », et sur la déchéance de l'autorité. Il est probable qu’il ne plaira pas à tout le monde, mais la littérature met aussi en scène ce genre de fessée.
J'ai volontairement respecté l'absence partielle de ponctuation du texte.
De plus, cet épisode se produit au travers d'un regard empli de dérision cruelle sur le vieillissement, le personnage de l'institutrice, devenue une simple « fille n°3 », et sur la déchéance de l'autorité. Il est probable qu’il ne plaira pas à tout le monde, mais la littérature met aussi en scène ce genre de fessée.
J'ai volontairement respecté l'absence partielle de ponctuation du texte.
J'appelle le garçon de
café et fais apporter un verre de Marie-Brizard sur la table de la
fille n°3.
Elle s'écrie : je n'ai
rien commandé ! Le garçon me désigne; elle prend un air offusqué.
Remportez cette boisson, monsieur. Pour qui me prenez-vous ?
Le garçon hésite,
m'interroge. Je maintiens mon ordre. Il repose le verre sur la table.
Mais enfin c'est un
monde ! Puisque je vous dis que je n'en veux pas !
Je la rejoins alors,
silencieuse, impénétrable, froide comme le sabre. Je m'installe
sous ses yeux éberlués. J'ouvre sa boîte à cigarettes, en prends
une et l'insère lentement, érotiquement, dans son embout d'ivoire.
C'est bon, dit-elle à
l'employé de sa voix chevrotante. Laissez-nous.
Puis à mon encontre :
quel toupet ! Nous avons frisé le scandale. J'aurais pu prévenir la
police.
Buvez.
Cherchez-vous à me
terroriser ?
Buvez.
Si cela peut vous faire
plaisir. Mais ensuite vous déguerpirez, n'est-ce pas ?
Encore une gorgée
Je ne peux pas. Je ne
supporte pas les alcools forts.
Encore une gorgée.
Pendant qu'elle sirote,
j'extirpe mon fouet de son étui et le balade entre ses genou; sur sa
gaine. Elle frémit.
Cessez immédiatement,
murmure-t-elle.
Buvez. Buvez tout.
Mon fouet s'amuse. Il
détecte le clitoris, plus vivace qu'il ne l'imaginait. J'ignore si
elle mouille mais le soupçon de cette éventualité me réjouit. La
fille n°3 est muette; son verre vide. Elle chancelle dans sa
dignité. Elle ne lutte plus contre son désir. Son désir obscène
d'être prise, défoncée, limée.
Allons chez moi,
bredouille-t-elle.
Non. Ici. Dans les
toilettes.
Et si on nous surprend
?
Eh bien vous serez vue.
Pensait-elle que
j'allais la suivre ou lui offrir une chambre d’hôtel ? Elle qui
m'exposa, cul nu, sur l'estrade de la salle de classe ?
Elle qui m'abandonna,
la culotte sur les chaussures, au jugement de tous ?
Je me lève la
première, sûre de sa servilité. Effectivement, je l'entends qui
descend les marches ouatées qui conduisent aux toilettes pour dames.
Elle veut m'embrasser.
Pas question.
Elle veut s'enfermer
dans l'une des cabines individuelles, baiser sur la cuvette.
Non. Retire tout.
Absolument tout. Et penche-toi au dessus du lavabo. Sans le fouet. La
main bien à plat. Une vingtaine de claques de chaque côté.
Elle bêle. Puis je
reprends mon fouet et la sodomise, sans prévenir, sauvagement.
Hurlements dissonants. Jouissance et douleur. Orgasme et humiliation.
Je m'enfonce. Je sombre
dans cet orifice béant qui, après la blessure, réclame mes allées
et venues, mes pressions accrues, mes déchaînements.
La fille n°3 jouit une
seconde fois. Sa perruque glisse. Son maquillage devient une pâte
défraîchie, comme poreuse.
Des pas résonnent. On
arrive. Toute à son plaisir, elle n'entend pas et demeure penchée
au-dessus du lavabo, les fesses écartées. Je récupère mon fouet.
Elle proteste. Encore, s'il te plaît. Encore. Elle répète toujours
ce « encore » lorsque je m'éclipse et qu'une autre
vieille dame ouvre la porte des toilettes.
J'affiche un air
décontenancé.
A cet âge, c'est
navrant, dis-je à l'intruse. Bonsoir madame.
Près du savon liquide, j'ai naturellement déposé un billet.
Près du savon liquide, j'ai naturellement déposé un billet.
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La couverture d'une autre édition du roman |
Un peu "trash" donc, cette fessée de revanche contre la "fille n°3", volontairement dépersonnalisée dans le récit alors qu'au contraire elle est l'objet d'une vengeance très personnelle. Une autre forme de thérapie, cette fois pour la narratrice à qui l'auteur fait administrer la fessée.
On peut mesurer dans ce roman tout l'impact psychologique que peut revêtir la fessée : d'abord paradoxalement objet de jouissance et de domination pour la narratrice alors que c'est son institutrice qui est censée vivre ces ressentis, elle conduit, sur un simple mot, à un renversement brutal des sensations et des émotions, puis à un impact fort sur le devenir et les actes de la petite fille devenue adulte, et enfin une forme de thérapie probablement très imparfaite via une vengeance au décorum volontairement sordide et avilissant.
On peut mesurer dans ce roman tout l'impact psychologique que peut revêtir la fessée : d'abord paradoxalement objet de jouissance et de domination pour la narratrice alors que c'est son institutrice qui est censée vivre ces ressentis, elle conduit, sur un simple mot, à un renversement brutal des sensations et des émotions, puis à un impact fort sur le devenir et les actes de la petite fille devenue adulte, et enfin une forme de thérapie probablement très imparfaite via une vengeance au décorum volontairement sordide et avilissant.
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Une dernière couverture d'une édition du roman |
Comme pour les autres articles, vous pouvez
naturellement laisser vos impressions et questionnements ou, si vous
souhaitez une meilleure discrétion, me joindre personnellement via ce
blog.
Le mot avilissant que vous utilisez convient tout particulièrement à cette phrase dans la scène des toilettes "Toute à son plaisir, elle n'entend pas et demeure penchée au-dessus du lavabo, les fesses écartées." Avez-vous essayé de joindre Martine Roffinella ou savez-vous si elle a connaissance de votre blog ?
RépondreSupprimerJ'avoue ne pas avoir essayé de la joindre et je ne sais absolument pas si elle a connaissance de mon blog, n'ayant en général aucune idée de l'identité des personnes constituant mon lectorat.
RépondreSupprimerSi nous avions cette possibilité de nous joindre, peut-être la discussion pourrait-elle être fort intéressante.
Vous savez, je vis quelque peu en marge du monde littéraire... et d'un peu tous les autres mondes d'ailleurs. Un vrai provincial, quoi ! ;)
Je suis très heureux de constater que vous avez apprécié ma façon de qualifier les impressions laissées par la lecture de certaines phrases. Preuve que Martine Roffinella a dû très bien faire son travail d'écriture, si elle arrive à susciter chez des personnes qui ne se connaissent pas des ressentis voisins, au point où elles se rejoignent sur le mot qui illustre une de ses descriptions.
La connaissez-vous ?
Non, pas du tout. Je ne connaissais même pas son nom avant d'avoir lu votre article.
RépondreSupprimerIl semble qu'elle se soit maintenant dirigée vers la lecture de la bible.
Ses châtiments auraient-ils maintenant une origine divine ?
RépondreSupprimerEn tous cas, nous avons reparlé de ce livre à un Munch récent.