vendredi 4 novembre 2016

LA MUTANTE (Cecil Saint Laurent)

LA MUTANTE (Cecil Saint Laurent)

Derrière le pseudo de Cecil Saint-Laurent (oui, l'auteur de "Caroline chérie") se cache l'Académicien Jacques Laurent, qui n'a jamais fait mystère de sa passion pour la fessée. On la retrouve dans plusieurs de ses romans "coquins", en particulier dans celui-ci où son héroïne va oser pour la première fois aller jusqu'au bout de son fantasme.
Né le 05/01/1919, Jacques Laurent a obtenu le prix Goncourt en 1971 avec "Les bêtises". Il est décédé le 29/12/2000.
Paru en 1978, le livre a été réédité en 2006 par J'ai Lu. 

Dans les années 1970, un cadre supérieur se retrouve au chômage et cherche à se réaliser en tombant amoureux. Il rencontre une jeune femme fascinée par ses mains qui va l'utiliser pour réaliser ses fantasmes inassouvis avant de tomber à son tour amoureuse.


[...]
La robe avait reflué vers mes hanches et la main était rivée à mes cuisses plus claires qu'elles. Je voulais qu'il me jette sur le lit, il m'a déposée avec précautions mais, aussitôt après, il a débouclé et détaché son ceinturon. La carrure des mains m'intéressait davantage que le frisson crissant du cuir. Comme il s'était assis au bord du lit, je me suis glissée sur ses genoux. La tête enfouie dans la courtepointe, aveugle, j'attendais. Je me suis décidée à chercher l'une de ses mains et je l'ai appliquée contre mes reins. Il a encore hésité. Je le devinais incertain et intimidé, ce qui me décevait. Enfin, il a chuchoté avec embarras:
- Charlotte, je vous donne une fessée ?
Mon jeu consistait à lui laisser toute l’initiative et il tenait à me l’abandonner. Pour tenter de la lui rendre, j’ai pris une voix obéissante pour murmurer :
- Si vous voulez.
Le plaisir que je m’étais promis, je l’ai eu dès qu’il a commencé à me déculotter. Puis il m’a calée assez énergiquement sur ses genoux et j’ai senti et entendu les premières claques. D’abord elles ont été légères ; certaines ressemblaient même à des caresses. Bientôt il s’est emporté. Il me faisait mal, surtout lorsqu’un coup s’égarait sur une cuisse.
Il s’est arrêté net et je me suis retournée sur le dos. D’un œil noyé, j’ai considéré mon tortionnaire qui respirait fort.
Dans un souffle, je l’ai prié de me « prendre ». Ce mot, dont j’avais ricané et même ragé, je m’en régalais. […]
Je me suis retrouvée nue sous lui vêtu comme je l’avais voulu. J’oubliai que je l’avais voulu. J’étais molle et il agissait. Ma seule initiative fut de repousser à l’écart de mon dos la boucle froide et perçante du ceinturon qui gisait sur le lit. Prit-il ce geste pour une invitation ou le mouvement de la lanière ranima-t-il en lui le goût d’être violent ? Il me remit sans ménagement sur le ventre et les coups se mirent à pleuvoir avec force. Les claquements du cuir étaient différents de ceux de la main. La douleur aussi était différente, et l’émotion. Il n’a cessé que pour me pénétrer tout en me maintenant sur le ventre. J’ai senti que je partais. Je ne savais plus où je me trouvais ni pourquoi. Parfois, il profitait de la position où il m’avait mise pour, sans s’interrompre, me fesser encore. Ma seule pensée était une phrase qui tournait en moi comme les chevaux de bois d’un manège : « Je suis fouettée, je me sens fouettée. » Petite, j’adorais la Comtesse de Ségur. Dans les dernières pages du Général Dourakine, je relisais souvent le passage où le Capitaine Ivan Pavelitch invite Maria Petrovna à entrer dans une pièce au milieu de laquelle une trappe se dérobe sous elle de sorte que, retenue seulement à la taille par le flot de ses jupes, elle agite en vain le bas de son corps suspendu dans le vide. C’est au moment où Maria reçoit les premiers coups de knout administrés par des bourreaux invisibles que la Comtesse de Ségur écrit : elle se sentit fouettée. Cette phrase, depuis l’enfance, a toujours rodé en moi.
[…]

 

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