dimanche 13 novembre 2016

L'image (Jean de Berg)


L'image (Jean de Berg)

Cela est maintenant bien connu : sous le pseudonyme de Jean de Berg (et quelquefois Jeanne de Berg) se cache la romancière, actrice, et photographe Catherine Robbe-Grillet, née Rstakian en 1932 (ou 1930 suivant les sources) à Paris

En 1951, elle rencontre Alain Robbe-Grillet, écrivain qui se fera bientôt aussi un nom au cinéma et qui l'initie aussitôt au BDSM, et l'épouse le 23 octobre 1957.
En 1956 paraît aux éditions de Minuît
L'image, court récit sadomasochiste, censuré à deux reprises, qui sera réédité en 1984 dans une collection de poche. 

L'image, couverture de la réédition de 1984

On pourra noter que ce petit roman sort à peu près à la même époque que le fameux « Histoire d'Ô » de Pauline Réage (dite aussi Dominique Aury, née Anne Desclos) paru en 1954. Un lien ?

Actrice de théâtre et de cinéma, photographe de plateau, elle se tourne vers la publication de livres traitant de BDSM.

En 1963, dans L'Immortelle, d'Alain Robbe-Grillet, sous le pseudonyme de Catherine Carayon.

D'abord longtemps soumise dans les jeux SM, Catherine Robbe-Grillet a fini par changer de rôle et préférer la domination. Elle se définit aujourd'hui comme une scénographe du BDSM, une maîtresse de cérémonie.

En 2009, maîtresse de cérémonie

Lors d'une soirée parisienne des années 50, Jean de Berg admire la beauté de Claire, photographe d'art qui semble à peine le voir, car elle ne quitte pas des yeux Anne, une toute jeune fille blonde qui est aussi son modèle. Son modèle et son esclave, comme Jean le découvrira, d'abord au travers de photographies où l'art sert de prétexte pour mettre en scène les désirs de Claire, avec qui il a réussi à faire connaissance, puis lors d'une première séance de domination sadomasochiste où les fesses d'Anne serviront d'exutoire au jeu érotique entre les deux principaux protagonistes. Je vous en livre le début, mais je vous laisse découvrir dans l'ouvrage la fin de cette fessée au fouet... 

 

(Claire montre à Jean une série de photographies réalisées avec Anne comme modèle, et pour la première fois Jean a confirmation par l'image de la relation SM entre Claire et Anne)
La fille est nue, encore, et à genoux, enchaînée maintenant au pied du lit. On la voit de dos. Les chevilles sont étroitement liées ensemble, mais croisées, un pied passant par-dessus l'autre, ce qui maintient les genoux très écartés.
[…]


Les fesses sont marquées en tous sens par des lignes foncées très nettes et bien distinctes, qui s'entrecroisent des deux côtés de la raie médiane, plus ou moins appuyées suivant que le fouet a frappé plus ou moins fort.

Cette image de la petite Anne enchaînée à son lit, à genoux dans une position très inconfortable, est évidemment rendue plus émouvante encore par les traces cruelles des tourments qu'elle vient de subir. Par-derrière, les spirales de fer noir composent d'élégantes arabesques.

[…]

(Sous le prétexte assez fallacieux d'un respect insuffisant dû à la personne de Jean lors d'une rencontre impromptue à Montmartre, Anne est convoquée par Claire pour répondre de ses actes.)

Anne a donc dû comparaître devant nous, selon l'habitude : debout, les bras le long du corps et les paupières baissées. Elle était en jupe à plis et chemisier; ne portant pas de chaussures, elle marchait sur ses bas. On l'avait fait venir pour tirer au clair cette affaire de librairie et pour lui infliger séance tenante une correction, si elle la méritait.

Bien entendu, il n'était pas question de savoir si la jeune femme méritait quelque chose ou non, mais de trouver là un prétexte pour la torturer à notre guise, en ayant l'air de la punir. Claire, du reste, parlait avec une violence qui ne présageait pour sa victime rien de bon.

Il n'a pas fallu plus de quelques secondes pour convaincre celle-ci d'insoumission grave. Et son châtiment immédiat a été décidé, sans qu'elle ait à peine ouvert la bouche pour se défendre :

- Déshabille-toi ! A ordonné Claire.

(Anne se déshabille à genoux devant sa maîtresse, elle ne porte pas de culotte)

Et elle est restée ainsi, à genoux, cuisses écartées, bien droite, entièrement exposée à nos regards.

Son corps était tendre et charnu, mince encore mais plein de rondeurs et de fossettes, plus émouvant que je ne l'avais jamais vu. La chair, très lisse, avait une couleur blonde uniforme, un peu plus blanche cependant sur le ventre et les seins, dont les bouts devaient être légèrement fardés de rose. Bien qu'apercevant la jeune femme de face, je me suis rappelé l'image qui la représentait par derrière : enchaînée au lit de fer dans une posture voisine, les fesses striées par les coups de fouet. Le souvenir des photographies et de leurs supplices donnait toute sa valeur à la position d'attente où l'on maintenant à présent la victime.

(Claire commente alors de plus en plus passionnément le corps d'Anne et les tourments futurs.)

Après un assez long silence, elle a prononcé d'un ton calme

- Lève-toi petite catin ! Va chercher le fouet !


La fille s'est relevée, conservant un de ses bras devant les yeux. S'étant retournée, elle a traversé le tapis en direction de la porte. Elle évoluait avec une grâce enfantine, que troublait un peu sa propre nudité. Les deux globes encore intacts de ses reins, qui ondulaient à chaque pas, nous promettaient les plus cruels assouvissements.

Anne est revenue aussitôt, l'un de ses bras dissimulant toujours le haut de son visage. Dans sa main libre, elle tenait un objet de cuir. Elle s'est mise à genoux devant Claire, tout près d'elle, pour le lui présenter. C'était le fouet tressé de la photographie. Claire a saisi l'instrument par son extrémité rigide et a fait mettre la victime un peu plus de profil, devant son fauteuil, afin que je puisse la contempler moi-même bien en face. Sans que l'on eût rien de plus à lui dire, la fille avait de nouveau écarté les genoux et levé les bras en l'air, mais au dessus de la tête cette fois, pour que l'on vît aussi sa charmante figure apeurée et la jolie bouche entrouverte, pendant le supplice…

(Claire semble se radoucir et joue un moment avec sa victime.)

- Elle est mignonne, comme ça, la petite fille. Elle aime bien qu'on la mette à genoux pour la fouetter... Ça l'émeut... Elle est déjà toute mouillée, je parie…

La main indiscrète est remontée jusqu'au sexe. Le bout des doigts est passé, puis repassé deux ou trois fois, d'arrière en avant le long de la fente. Pendant ce temps, l'autre main, celle qui tenait le fouet, caressait les fesses par derrière.

Et brusquement l'index de la main gauche a pénétré entre les lèvre au-dessous de la toison bouclée. Le doigt est entré d'un seul coup vers les profondeurs brûlantes. La petite Anne a fermé tout à fait les yeux et ouvert la bouche un peu plus.

Claire m'a jeté un regard victorieux. La facilité de l'attentat indiquait, en effet, que la fille était bien humide, excitée, prête pour l'amour.

- Vous voyez, me dit Claire, comme elle est bien rodée : quand on va la battre, elle s'apprête à jouir. C'est une question de dressage, comme pour le chien ! Il a suffit de la caresser souvent dans cette posture; elle ne peut plus s'empêcher d'y attendre le plaisir... N'est-ce pas, petite garce ?

Aussitôt, sans enlever sa main gauche d'entre les cuisses, par devant, Claire, de sa main droite, a donné un violent coup de fouet sur les fesses. Son habileté à manier la lanière de cuir dénotait un long exercice.

La fille a sursauté; ses bras, instinctivement, se sont un peu baissés. Mais elle les a relevés tout de suite. Claire a frappé une seconde fois.

- Regarde Jean ! a-t-elle ordonné à la jeune femme. C'est sur sa demande que tu es punie.

Anne a levé les paupières, les tenant même écarquillées pour mieux résister au supplice. Elle s'appliquait aussi à conserver la bouche bien ouverte.

Afin de cingler plus fort et plus commodément les douces chairs abandonnées à sa merci, Claire a ôté sa main gauche du sexe. Les coups, mieux dirigés, se sont abattus avec régularité sur les reins. Maintenant, la fille poussait un petit gémissement chaque fois que claquait le fouet, un « Ah » de douleur qui ressemblait à un râle d'amour.

Claire a continué de frapper, de plus en plus vite. Les cris de la victime ont précipité leur rythme : « Ah... Ah... Ah... Ah... » Puis, n'y tenant plus, elle a baissé un bras jusqu'à toucher le sol et s'est assise à moitié sur ses jambes…

Claire a interrompu ses coups. La fille, prise de peur, s'est redressée, en rectifiant la position des genoux, et a levé les bras de nouveau au-dessus de sa tête.

- Il vaudrait mieux l'attacher, dis-je.

- Oui, si vous voulez, m'a répondu Claire.

Alors, tout doucement, la petite Anne s'est mise à pleurer. Les gouttes se formaient au coin des yeux et roulaient sur ses joues rosies. Un frisson lui parcourait le corps de temps en temps. Puis elle essayait de renifler, avec le plus de discrétion possible.


À
genoux sur le tapis de haute laine, bien droite, cuisses écartées, les mains en l'air, elle n'osait même pas essuyer ses larmes qui lui coulaient lentement sur le visage.

Nous sommes demeurés là, un long moment à la regarder.


 

2 commentaires:

  1. Magnifique ! Catherine Robbe-Grillet est une très grande Dame !

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  2. Ne ressentez-vous pas comme une espèce de fascination devant ce châtiment si bien mis en scène ?
    L'écriture en est splendide.

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